La posture de la sauterelle, meilleur remède contre le mal de dos ?

Bien-être en conscience Salabhasana - Posture de la sauterelle
© D.R.


En yoga, la posture de la Sauterelle, aussi appelée Salabhasana, est réputée pour renforcer les muscles du dos, étirer les abdominaux et ouvrir le thorax. Peut-on la considérer comme une posture universelle, voire miraculeuse, pour soulager les douleurs lombaires ? Devriez-vous l’enseigner ou la pratiquer dans chacune de vos séances de yoga ?

Je m’appelle Muriel, je suis kinésithérapeute depuis plus de 20 ans, ostéopathe et passionnée de yoga. Je suis également l’auteur du blog Adapter Son Yoga.com. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds classiquement que je suis kinésithérapeute. En général, le regard de mon interlocuteur s’illumine et très régulièrement, on me demande : “Quel est le meilleur exercice pour ne plus souffrir du dos ?“. Dans ma jeunesse, cela m’agaçait. Dans ma sagesse, je vous écris cet article.


La posture de la Sauterelle n’est miraculeuse qu’à Lourdes !


Commençons donc par ce qui fâche ! De par ma formation et ma pratique en cabinet libéral, je sais trop bien qu’il n’y a pas une lombalgie, mais des lombalgies. La lombalgie signifie simplement douleur du bas du dos et est unique pour chaque élève douloureux. Il ne peut donc pas y avoir de remède universel, sous la forme d’un exercice unique, efficace pour tout le monde. Donc, habituellement, quand je traite un patient, je prends le temps de le connaitre lors du célèbre interrogatoire médical.

L’interrogatoire


Quel est le parcours de vie de mon patient ? Présente-t-il des antécédents de santé particuliers, des chirurgies, des traumatismes physiques ou psychologiques ? Depuis quand a-t-il mal au dos? A quel endroit précisément? Présente-t-il des irradiations sous forme de sciatique ou de cruralgie ? Arrive-t-il à se soulager et comment : par une posture, un étirement ou un traitement médicamenteux ? Est-ce que ses examens médicaux ont révélé une particularité? Et, comme je suis également ostéopathe, j’élargis le champ pour avoir une approche globale de la personne. Je pose quelques questions sur la sphère ORL, cardio-vasculaire, digestive et uro-gynécologique.

Pour un thérapeute, cela permet d’écarter tout risque de drapeau rouge. Un drapeau rouge, cela signifie que vous réorientez le patient chez son médecin. Cela arrive souvent avec les patients que vous soignez depuis longtemps avec succès. Ils viennent vous consulter en confiance pour leur mal de dos. Et à l’interrogatoire, vous découvrez par exemple, que cette fois-ci, la douleur est inhabituelle, vive, empêche de dormir et est survenue en soulevant un pot de fleur, un peu trop lourd, chez votre patient souffrant d’ostéoporose. Il est important alors de penser au tassement vertébral et de réorienter pour des examens complémentaires.

Les fausses croyances


Cette prise de contact, lors de l’interrogatoire permet également d’évaluer le risque psycho-social, ce qu’on appelle aussi les drapeaux jaunes. De manière caricaturale, c’est ce patient qui va se présenter à vous en prenant 1000 précautions pour se relever de la chaise de la salle d’attente, tout en vous précisant “je fais attention”. Ce même patient va ôter ses chaussures sans se pencher en avant, “je fais toujours comme ça pour protéger mon dos”.

Il peut enchaîner en disant “je travaille debout, donc j’ai toujours mal au dos” ou “je travaille assis, donc j’ai toujours mal au dos”, ou “je suis trop cambré”, voire “je tiens cela de ma mère. Dans ma famille on a tous mal au dos. J’ai peur de finir en fauteuil roulant “. “Je ne peux plus rien faire à cause de mon dos”. “Je ne peux pas soulever mon enfant depuis le sol, mon bébé va croire que je ne l’aime pas. “

La kinésiophobie

J’ai beaucoup d’empathie pour ces patients-là et si je vous relate leurs verbalisations, c’est bien pour vous marquer. Repérez chez vos élèves, celui qui se met toujours à 4 pattes pour dérouler son tapis et n’ose pas se pencher en avant dans une gestuelle fluide. Vous en avez sûrement un dans vos cours de Yin Yoga. Inutile de les chercher en Ashtanga, ils n’y sont certainement pas ! Ces élèves-là souffrent de kinésiophobie. Ils ont peur du mouvement. Ils protègent exagérement leur dos, qui devient inapte aux mouvements. En médecine, on utilise le terme de déconditionnement à l’effort.

Sans rentrer dans le détail, quelles que soient les croyances et représentations du patient, vous ne le soignerez pas, grâce à votre blouse blanche ou votre fonction de professeur de yoga, en lui disant simplement de se pencher en avant. Il faudra très progressivement l’amener à reprendre confiance en son dos, étape par étape. La posture de la sauterelle ne pourra en aucun cas être une bonne première posture à proposer, la peur du plat ventre étant classiquement associée à la kinésiophobie.

L’examen clinique


L’étape suivante est d’observer mon patient, déshabillé, sans bouger d’abord, puis en mouvement. Je ne vais pas rentrer ici dans le détail de l’examen clinique. On en aurait pour quelques jours. Après l’observation, je réalise des tests manuels. Je regarde avec les mains donc, et avec les référentiels de tous les autres corps que j’ai pu examiner. Je n’écris pas ces lignes pour me faire mousser. Tous les ostéopathes et thérapeutes manuels travaillent de la même façon. J’en déduis 2 ou 3 pépites pour mon patient : de gros désordres qui ne vont pas du tout chez lui. Parfois, surtout chez les pratiquants de yoga, on en trouve peu. Parfois, on passe à côté. L’ostéopathie est un art délicat.

La synthèse


Arrivée à cette étape, le traitement se dessine naturellement en faisant la synthèse de toutes ses informations. Je traite manuellement et je garde toujours un temps pour enseigner un exercice au moins à mon patient. THE exercice. Vous voyez qu’il ne tombe pas du ciel, qu’il m’a fallu en général 55 minutes de tête à tête pour le trouver cet exercice thérapeutique. Et c’est très varié, cela peut être une prise de conscience de l’expiration ou du périnée Mula bandha, une relaxation, un assouplissement des lombaires, un étirement des ischio-jambiers, du quadriceps… ou la posture de la Sauterelle Salabhasana ! Et oui, il y avait quand même une suite dans les idées de cet article !

Comprenez-vous pourquoi je m’agaçais dans ma jeunesse à cette question “Quel est le meilleur exercice pour soulager mon mal de dos?”. Bon, j’ai gagné en maturité, je ne suis donc plus agacée, et je vais vous dire pourquoi Salabhasana, la pose de la Sauterelle, pourrait, quand même, être assez universelle comme remède contre le mal de dos.

 

La posture de la Sauterelle est excellente pour le lombalgique


Un asana qui renforce les muscles spinaux


On sait désormais en rééducation, que l’on doit privilégier le travail des muscles extenseurs du rachis par rapport aux fléchisseurs du troncs, les célèbres abdominaux. De la même manière, nos patients lombalgiques perdent généralement la mobilité en extension lombaire, c’est à dire en cambrure, ou back-bend.

Je vous invite à faire travailler la posture de la Sauterelle en statique, c’est-à-dire sans bouger, en maintenant la pose. Cependant, il est très intéressant d’y associer un travail dynamique, donc en mouvement.

Un guidage inhabituel en expiration


Je préfère guider l’entrée dans la posture lors d’une expiration, qui permet un meilleur recrutement des bandhas (muscle périnée et transverse abdominal). Ainsi, je guide :” inspirez, restez au sol, expirez, engagez le périnée et le nombril et soulevez le corps. Inspirez en descendant et expirez de nouveau en serrant les bandhas et en soulevant le corps…”.

Je sais parfaitement que beaucoup de professeurs de yoga guident la montée en Salabhasana sur une inspiration, plus spontanée et logique sur une extension et favorisant l’ouverture thoracique. Or, je n’aime pas les carcans. Ainsi, je peux guider les 2 options indifféremment, selon mon objectif de soin pour mon patient. Cependant, pour un élève lombalgique, je vous recommande vraiment l’expiration, plus rassurante.

La Pose de la Sauterelle assouplit en extension


La pose fait naturellement travailler la mobilité en extension des hanches et du rachis lombaire. Et vous savez sans doute, que maintenir cette capacité d’extension, c’est maintenir sa jeunesse posturale. Ainsi, les patients se plaignent souvent du fait que la cambrure déclenche leur douleur. Ils constatent par exemple que le port de talons ou la position plat ventre déclenchent la douleur. Ils en déduisent alors que la cambrure est douloureuse. C’est exactement prendre le problème à l’envers. C’est bien parce qu’ils n’ont plus de mobilité en cambrure que ces positions deviennent douloureuses. Proposons leur de retrouver le cambrer de leur 20 ans dans la posture de la Sauterelle.

Salabhasana permet de travailler l’auto-grandissement

Posture de la sauterelle - Yoga mal de dos

 

Pour favoriser l’autograndissement dans Salabhasana, voici comment je guide. “N’essayez pas de monter le plus haut possible. Essayez plutôt de vous allonger horizontalement. Éloignez les pieds du sommet de la tête, sur une expiration bien sûr, bandhas engagés”. Merci encore une fois à Bernadette de Gasquet pour la transmission de ces notions posturo-respiratoires.

La posture de la Sauterelle lutte contre la kinésiophobie


Il vous faudra beaucoup de patience pour y conduire vos élèves les plus déconditionnés à l’effort. Néanmoins, le renforcement positif de cette posture sera exceptionnel. Votre élève va prendre confiance en la souplesse et la force de son dos pour se soulever du sol. N’hésitez pas à user d’un vocabulaire positif pour saupoudrer des images de force et de mobilité. Si la sauterelle n’évoque pas assez ces notions, sachez qu’en kinésithérapie, nous appelons volontiers cette posture “Superman”, avec une petite variation des bras.

Salabhasana est donc une posture assez universelle et complète pour que je l’aie rebaptisée “La posture du lombalgique”. Je ne vois vraiment pas à quel lombalgique, elle ne pourrait pas convenir et je la propose systématiquement dans mes cours collectifs. Il ne vous manque plus que quelques adaptations pour que tous vos élèves puissent y parvenir !

 

Les adaptations possibles dans la pose de la Sauterelle


La peur du plat ventre
Débuter en quadrupédie


Si votre élève a trop peur du plat ventre, ou ne peut pas s’y placer comme pour les femmes enceintes, il suffit de passer à 4 pattes…dans un premier temps. A quatre pattes, vous allez proposer d’élever une jambe et le bras opposé. En général, ces mêmes élèves ont des difficultés à prendre appui sur les poignets. Proposez alors un appui sur les coudes, et un simple travail en battement avec la jambe arrière, statique et dynamique.

 

Posture de la sauterelle - Yoga mal de dos


Dans un deuxième temps, une fois que votre élève a pris confiance à 4 pattes, il faut insister pour réaliser la posture à plat ventre. Si c’est un kinésiophobe, il n’ira pas de lui-même et aura parfaitement mémorisé sa variation à 4 pattes.

Passer à plat ventre très progressivement


Vous pouvez lui proposer les étapes suivantes, pour qu’il gagne en confiance :

  • placez les 2 mains sous le front, essayez simplement de respirer calmement à plat ventre,
  • allongez le souffle,
  • sur l’expiraton, engagez les bandhas, gainez,
  • à la prochaine expiration, gainez, maintenez le gainage et soulevez la jambe,
  • et là, je peux parier que votre élève ne soulèvera que le pied et le tibia ( j’ai gagné ?),
  • à la prochaine expiration, gainez, maintenez le gainage et soulevez toute la jambe et la cuisse,
  • alternez le côté droit, puis le côté gauche, à chaque expiration,
  • ensuite seulement, vous ferez soulever les 2 jambes, puis le buste, puis l’ensemble.


Vous serez heureux de constater que vos élèves gagnent vite en confiance dans ce genre de posture. En 3 ou 4 semaines, ils arrivent à monter les 2 jambes, sauf atteinte de la hanche. Surtout, félicitez-les et insistez sur le fait que leur colonne vertébrale est solide et capable de progrès à tout âge. Saupoudrez donc de verbalisations positives, ça marche et c’est prouvé par les neurosciences !

Les bras dans la posture de la sauterelle

posture de la sauterelle mal de dos

De nombreuses variations sont possibles :

  • mains sous le front pour les débutants, buste au sol,
  • mains à la taille, coudes verticaux, pour favoriser l’ouverture thoracique,
  • dos des mains au sol à la hauteur de la taille, coudes tendus, insistez sur le serrage des omoplates,
  • mains jointes dans le dos,
  • doigts ouverts autour des oreilles, coudes vers le plafond,
  • bras en cactus ou chandelier, qui se décollent du sol, pour favoriser le renforcement musculaire dorsal,
  • bras tendus le long des oreilles en superman….


Le buste, les jambes ou les 2

Il est très intéressant d’alterner les variations. En soulevant les jambes sans soulever le buste, vous proposez un travail plus spécifique des muscles extenseurs lombaires. En soulevant le buste sans soulever les jambes, vous renforcez plus la région dorsale. Variez donc les propositions. Surveillez les compensations habituelles cervicales.

 

Posture de la sauterelle yoga mal de dos


Vous pouvez également proposer la posture de la demi-sauterelle, en plaçant le pied sous le tibia opposé d’abord, plutôt que sous la cuisse. Il s’agit alors plus d’un travail de mobilité, peu abordable chez nos séniors.

Évolution vers la posture de l’arc

 

posture de la sauterelle

J’adore cette variation rarement proposée. J’insiste pour dire qu’elle est très (trop) exigeante pour le commun des lombalgiques. Au sol, la main gauche attrape le pied droit ou le legging, ce qui amène un étirement du muscle quadriceps. On peut tout à fait s’arrêter là. Sinon, lors d’une expiration, bandhas en place, on décolle la cuisse droite et le buste, puis la cuisse gauche. Un premier pas pour amener vos élèves vers la posture de l’arc. Le bras libre est en position de superman, pour plus d’extension !

J’espère que cet article sur la posture de la Sauterelle, quasi universelle pour les lombalgiques, vous a plu. Retenez bien cependant qu’il n’y a qu’à Lourdes qu’elle serait miraculeuse, je ne vais pas vous laisser croire ici qu’un seul asana suffit à soigner la lombalgie ! Si vous voulez en savoir plus sur la lombalgie et son traitement par le yoga, avec le regard du kinésithérapeute, n’hésitez pas à télécharger ma mini formation gratuite ici et retrouvez tous mes contenus gratuits sur mon blog Adapter Son Yoga.com.

Muriel



Source Muriel - Adapter son yoga
https://adaptersonyoga.com/
muriel@adaptersonyoga.com

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